CONFESSIONE A MIA MADRE
Alessandro De Marinis

CONFESSIONE A MIA MADRE

(2023) - 17min
Alessandro De Marinis
École nationale supérieure des Arts Décoratifs - Paris

De ma jeune mère, son regard, son sourire. De ma mère ses yeux. Même aujourd’hui, je m’en souviens avec précision. C’est ton odeur, ta présence, dans ta chambre de notre maison, tu viens me chercher dans ma petite chambre, ou je dors avec mon frère jumeau. Tu nous amène sur ton lit, pour nous lire des histoires, pour commencer nos cérémonies. J’écris ce souvenir précis, à chaque fois que je suis obligé de me séparer de toi pour être rejeté dans la vraie vie, loin de toi, loin de mon frère jumeau, Davide, notre Sacrée Famille. J’ai de ma mère des images fixées hors du temps, des icônes fraîches, saisies de notre quotidien, inaltérables. Toutes ces images rappellent en elle le sacré, le culte. Ainsi son image, si fréquente, cette photo prise lors de son 18eme anniversaire, ou elle incarne la perfection divine, le visage de la grâce, imprégné d’amour maternel. La première aréole, c’est ma mère. Ma première vénération. Consacré à être son ange, j’allais lui consacrer ma vie entièrement. Me mère a le génie de la ressemblance, dans l’expression fugitive d’un visage humain, sur d’anciennes photographies, l’aura semble jeter un dernier cat. Visage par gratiam, comment notre relation désaffectée devant le visage de la Vierge Marie, la lumière, la peau claire, sa jeunesse, les yeux : tous ces éléments nous plongent dans une espèce d’extase mystique, presque religieuse. Ce mouvement qu’on fait lorsqu’on se trouve devant l’image de la Vierge Marie, ce pouvoir de lever les yeux sur nous, c’est un signe de notre désir insaisissable de ressemblance divine. Le baiser de la main pour qu’elle bénisse, baiser de la bouche, face contre face, pour que l’aie en soit toute pénétrée. A ce moment le regard touche à la jouissance, jouissance du toucher et toucher de la grâce. J’écris sur ma mère, je m’habille pour ma mère, je suis ma mère. Tout cela pour lui rassembler, pour combler cette distance, pour être proche d’elle, pour être proche du divine. Je suis le grand ancêtre androgyne, dans mon être qui rappelle l’union, porte-homme et porte- femme, doté d’une extase surhumaine. Je m’étais transfiguré dans l’ange protecteur de cette Sacrée Famille : moi, ma mère, mon frère jumeau.